Mary (2005)

2005, Cinezik
By Damien Deshayes

Le nouveau film d’Abel Ferrara, Mary, est un contrepoint à la Passion du Christ de Mel Gibson, à la violence démagogique duquel le réalisateur de Snake Eyes (Dangerous Game, 1993) répond par une violence intérieure d’une toute autre nature, avec pour effet de donner à la religion chrétienne une dimension plus humaniste. La musique du guitariste de blues Francis Kuipers exalte dans cette musique la violence des guerres de religion, l’audace des propos de Ferrara, les troubles intérieurs de nos personnages, tiraillés entre la Raison et le désir de croire, fascinés par le changement de vie de l’actrice Mary (Juliette Binoche), interprète de Marie Madeleine.
A la première écoute de ce disque, on ne peut qu’être saisi par la « vision » puissante de Kuipers : clusters de l’orchestre et des choeurs, nappes synthétiques torturées, percussions expérimentales et menaçantes, saturations grondantes de guitare électrique, accords hallucinés et lancinants à la guitare (“Mary Epilogue”), mélodie blues habilement destructurée par ce qui ressemble à des traitements informatiques), rarement interrompues par des soli rêveurs (le basson dans “This Is My Blood”). Une oeuvre saisissante, innovante, voire géniale, qui se situe aux confluents du blues, de la musique concrète, de la musique de Neil Young (Dead Man), d’Elliot Goldenthal, de Christopher Young, de Penderecki et de Ligeti.
L’écoute de Mary, comme Dead Man en son temps, est bien plus qu’une expérience musicale: c’est une expérience mystique, dont on ne ressort jamais indemne. Bel effort d’édition de la part du label Jade, label religieux affilé à Milan Music, et qui sort ici sa première musique de film.
Un disque à écouter d’urgence.